Terre de vent, Terre de Feu

On naît comme tous les êtres humains, mais on finit changé en gaucho. Le gaucho est la continuité de la pampa à l’intérieur du ranch, mais il est aussi la continuité du ranch jusqu’au cœur de la pampa.
La barbe du gaucho protège son visage du froid et d’un vent qui arrache les poils. Son chapeau, au bord relevé devant, son foulard coloré, son poignard, ses bottes, ses éperons de métaux bruts qui tintent au galop, décrivent dans un langage simple et direct ce qu’est cet homme et ce qu’il représente. Patron des brebis égarées, des moutons de bon sens et des agneaux bêlant, il passe ses longues et souvent très dures journées parmi eux, à veiller sur leur pâturage et à les maintenir dans l’ignorance totale qu’ils ne sont alimentés que pour se reproduire et mourir. Quel est le paradoxe du gaucho ? Il tue ceux qu’il protège pour pouvoir se nourrir. Dans la pampa les vies s’entrecroisent. Les animaux reconnaissent l’homme et l’homme reconnaît les animaux. Sans eux, l’homme n’a pas de travail, mais il les tue sans ressentiment ni culpabilité. (…) – Patricio Manns